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L’ennemi du boursicoteur : ses émotions

jeudi 15 mars 2012, par retailinvestor.org


Qu’est ce qu’un investisseur peut faire pour minimiser les dommages causés par les montagnes russes émotionnelles ?

Depuis le dégonflement de la bulle technologique, on a largement discuté des notions de la finance comportementale. Ces recherches ont d’ailleurs prouvé que les investisseurs font, de façon prévisible, les mêmes erreurs décisionnelles. Cela a permis de valider ce dont on se doutait auparavant.

Reste que les investisseurs de talent réussissent à éloigner leurs émotions du centre de décision en développant des stratégies et des règles – auxquelles ils se plient systématiquement. Voici donc les erreurs émotionnelles les plus fréquentes et des astuces pour les éviter.

Manquer de perspective

La Bourse, c’est risqué. Les cours bougent rapidement à la hausse comme à la baisse. Malgré tout, beaucoup d’investisseurs, enjôlés par le marché qui leur a procuré à plusieurs reprises des résultats favorables, sont surpris quand les prix dégringolent. C’est pourquoi, avant d’acheter un titre, vous devriez prendre le temps d’examiner ses rendements historiques. Vous saurez ainsi à l’avance s’il est « normal » de réaliser une perte de 10 % sur un an. Évaluez aussi si vous êtes vraiment prêt à encaisser une telle perte. Puis, assoyez-vous et imaginez qu’on est au 31 décembre et que vos pertes de l’année sont de même ampleur que votre salaire annuel. Comment vous sentiriez-vous ?

Une chute de 20 % en quelques mois fait paniquer bien des investisseurs. Ils inondent les forums de discussion en demandant « Dois-je vendre ? » Mais quelques mois, ce n’est rien. Que se passerait-il si vous étiez toujours en territoire négatif au bout de 2 ans ? Eh bien, c’est ça la réalité de l’investissement boursier. Vous devez donc prévoir comment vous allez réagir avant d’investir.

En réalité, seule l’expérience vous permettra de réellement connaître votre tolérance aux agitations du marché. Il est donc préférable de commencer à investir à la Bourse graduellement, sur quelques années. Conservez des titres à revenu fixe dans votre portefeuille, et placez peu à peu de l’argent, dont vous n’aurez pas besoin à court terme, à la Bourse. Et surtout, ne laissez personne vous pousser dans le dos pour que vous mettiez plus d’argent dans les actions.

Si vous avez de la difficulté à tolérer la volatilité, ciblez des titres moins risqués. Ou encore, déléguez la gestion de votre portefeuille à un expert. Parfois, ce qu’on ne peut pas voir ou contrôler nous dérange moins. Mais prenez soin de bien choisir cette personne.

Exagérer les pertes

Sachez que vous pouvez contrôler la façon dont vous percevez vos pertes. Les médias, par exemple, vont généralement mesurer une perte en partant du dernier sommet atteint par le marché. Ce qui la fait paraître très grande.

Mais vous pouvez aussi mesurer une perte en utilisant la période de temps qui s’est écoulée depuis que le marché a atteint le même niveau la dernière fois. Par exemple, l’éclatement de la bulle technologique a seulement effacé les gains de quelques années. Si vous mesurez uniquement le risque à la baisse, vous serez paniqué. Mais le fait d’éponger vos pertes à l’aide de vos gains antérieurs permet de mettre les choses en perspective.

Une autre alternative consiste à mesurer votre performance sur une année complète. À la fin de chaque année, vous fermez mentalement les livres et passez à autre chose. Ce qui est arrivé, est arrivé. Vous arrêtez de compter en fin d’année, même si la chute risque de se poursuivre. En procédant de la sorte, vous aurez seulement à l’esprit les pertes essuyées depuis janvier dernier.

Souvent des gens ont un autre réflexe. Lorsqu’ils perdent gros, ils se demandent s’ils doivent vendre ou conserver, car le risque à la baisse est maintenant beaucoup moins élevé. Il est commun, dans ce cas, de les voir calculer le poids de la perte potentielle additionnelle en terme de pourcentage du prix d’achat. Mais le résultat, c’est qu’il minimise la perte potentielle. En réalité, vous devriez l’évaluer par rapport à sa valeur au marché. Car le passé « n’existe plus ». Vous devez seulement considérer le futur dans cette décision.

Porter attention aux détails

N’oubliez jamais que c’est la performance du portefeuille dans son ensemble qui compte. En portant trop attention à la performance de titres individuels, vous vous tracassez inutilement. Tous les investisseurs font de bons et mauvais coups. Alors, suivez seulement les résultats de votre portefeuille TOTAL. En fait, vous pouvez suivre l’actualité portant sur vos titres, mais interdissez-vous de suivre de près l’évolution de leur prix.

Porter trop d’attention aux détails veut aussi dire « suivre à la trace son portefeuille sur une base hebdomadaire ou quotidienne ». Interdissez-vous de le faire. Plus vous pensez à votre portefeuille, plus vous allez vous faire du mauvais sang, et plus vous voudrez négocier. Concentrez-vous à la place sur votre vie et faites confiance à votre portefeuille. Il fera le travail avec le temps…

Êtes-vous de ces personnes qui ne peuvent pas prendre de vacances sans continuer à suivre leurs placements ? Cela peut indiquer deux problèmes : vous êtes soit obsédé par la chose (dépendance) ou vous investissez dans des titres trop risqués. Vous savez, il n’y a rien de mal à détenir d’ennuyants Blue Chips. Songez au fait que vous ne détenez pas juste des actions… vous détenez une participation dans une compagnie. Le marché boursier monte et descend. Mais les compagnies solides croissent lentement mais sûrement. Ce qui permet de prendre des vacances l’esprit tranquille.

Acheter sans savoir

Pour ignorer les fluctuations quotidiennes des cours, il faut que vous ayez confiance en votre habileté à acheter des actions de compagnies solides, c’est-à-dire des compagnies capables de résister aux hauts et aux bas de l’économie. Il y a deux façons de développer cette assurance. La première consiste à faire votre propre recherche et analyse. Votre ego vous dira alors « ne te préoccupe pas de ce que le marché pense. Je sais que c’est une bonne compagnie. » Évidemment, votre ego sera moins impliqué si vous achetez les titres recommandés dans les médias ou sur les forums de discussion. Mais vous ne devriez jamais acheter un titre « parce que JoeBlow vous a dit d’acheter ». Car vous devez avoir une bonne raison de ne pas vous faire du mauvais sang si son prix se met à reculer. Votre analyse personnelle vous donne cette raison. Et vous devriez seulement vendre si vous découvrez que votre analyse de départ était erronée.

La deuxième approche repose sur le fait qu’il est plus facile, si vos décisions sont moins subjectives, de s’accrocher à un titre en déroute et de ne pas regretter la vente d’un titre qui flambe. Le truc : développer des règles que vous allez toujours respecter. Si la règle est défendable, ça vous donnera du courage lorsque le titre se comportera curieusement. Vous serez capable de dire « ça va, la règle va me donner raison à long terme. »

Enfin, même si vous liquidez des actions plutôt que des biens immobiliers, vous pourriez très bien ressentir les « remords du vendeur ». Dès lors, si le titre tombe juste après que vous l’ayez vendu, vous aurez d’une certaine façon une validation. Mais s’il bondit, vous aurez l’impression d’avoir manqué une opportunité. Et les doutes s’installeront – aurais-je ? devrais-je ? pourrais-je ? Mais comme un titre peut monter sans fin, interdissez-vous de suivre son prix après l’avoir vendu. Retournez seulement voir ce titre après quelques mois, lorsque vous serez complètement détaché. Par contre, n’y allez pas si ça peut vous peiner.

Courir après les titres qui flambent

Toutes les études empiriques révèlent que les investisseurs individuels qui négocient fréquemment ont des rendements médiocres. Alors, que faut-il faire pour négocier moins souvent ?

Visiblement, un des déclencheurs émotionnels est le fait que des investisseurs continuent de regarder d’autres titres, même après avoir construit leur portefeuille. Évidemment, certains titres vont toujours mieux performer que ceux que nous détenons. Mais l’appât du gain en pousse certains à modifier leur portefeuille. Et c’est un très mauvais réflexe. Car des titres différents vont évoluer de façon différente dans le temps. Les comparaisons à court terme sont donc vides de sens.

Pour vous contrôler, cessez de regarder les autres achats possibles, à moins d’avoir vendu des positions en portefeuille. En évitant de faire ces comparaisons erronées avec les titres qui flambent, vous allez comparer votre portefeuille avec le marché en général, ce qui est beaucoup plus avisé.

Tomber en amour avec vos titres

Plus vous détiendrez un titre longtemps, plus vous allez vous y attacher. Et personne n’est à l’abri. Le problème est encore pire lorsque ce titre a tendance à bien performer. La décision de « vendre » devient dès lors très difficile. Quand le titre se mettra à chuter, vous vous demanderez si ça cache vraiment un problème ou s’il s’agit juste d’un peu de volatilité. Quand il sera en phase haussière, vous chercherez à lui soutirer jusqu’à la dernière goutte de croissance. Être en amour avec un titre vous prédispose donc à trouver des excuses, à minimiser les problèmes et à jeter les valorisations par la fenêtre.

Il n’existe aucune méthode miracle pour résoudre ce problème. Une solution discutable consiste à utiliser des ordres de vente « stop-loss ». Cela a certainement l’avantage de ne pas impliquer les émotions dans la décision de vendre. Mais cet ordre vous enlève aussi un peu de votre pouvoir d’analyse rationnelle. Il peut vous protéger contre les chutes. Mais il pourrait aussi vous faire vendre juste avant que le titre n’entame un rallye haussier…

Vouloir se refaire

La plupart des investisseurs détestent vendre à perte. Ça concrétise votre erreur à jamais. Nous sommes moins bouleversés par un gain de 2 $ que par une perte de 2 $. Alors, qu’est-ce que nous faisons ? Nous conservons, conservons et conservons des titres avec l’espoir qu’ils vont éventuellement revenir à leur prix d’achat – pour au moins récupérer le capital de départ.

Mais votre objectif n’a jamais été de « récupérer votre capital de départ ». Votre but a toujours été de « faire un profit ». Or, votre argent aurait pu fructifier ailleurs au lieu de rester investi dans ce titre perdant. En fait, l’argent a une « valeur temps » ou un « coût d’opportunité » venant du fait qu’il peut être alloué à des choses moins rentables.

Une des façons de résister à cet instinct obscur, c’est de remplacer le paradigme « acheter-détenir-vendre » par « acheter-vendre ». En d’autres mots, ne détenez pas un mauvais titre simplement parce que vous l’avez en portefeuille, mais ne l’achetez pas si vous n’y croyez pas. C’est soit un bon investissement à partir du moment présent, ou ce ne l’est pas. Toutes les décisions d’investissement doivent tenir compte seulement du futur. Le passé n’a aucune importance. Le prix d’achat de ce titre n’a aucune importance. Vous devriez seulement détenir un titre si vous seriez encore prêt à l’acheter.

Ceci dit, d’autres excuses poussent les gens à conserver un titre qu’ils possèdent. Par exemple, auparavant, les frais de transaction pouvaient s’élever à quelques centaines de dollars. Comme toute décision de vendre entraîne subséquemment une décision d’achat, ces coûts pouvaient grimper rapidement. Mais aujourd’hui, une transaction peut avoir un coût aussi faible que 10 $. Les frais ne devraient donc plus être une excuse pour l’inaction.

La fiscalité doit aussi être considérée. Or, comme une perte peut être déduite de vos gains en capital, le fait de conserver un titre plutôt que de le vendre pourrait être une mauvaise décision. Assurez-vous d’évaluer ces choses avant de trancher.

Une autre façon de contrôler cette émotion est de suivre votre portefeuille de façon plus structurée. En d’autres mots, regardez seulement le bilan du portefeuille sur une base périodique. Entre-temps, utilisez un affichage d’écran qui présente seulement les données fondamentales, c’est-à-dire les informations que vous utilisez dans vos décisions de vente ou d’achat.

Une autre stratégie plus controversée consiste à acheter les titres avec de l’argent emprunté. L’objectif ici est de rendre plus tangible le coût d’opportunité. Car vous serez puni par vos pertes si vous ne faites pas une analyse approfondie lors de chaque décision. Vous n’aurez plus le luxe d’attendre…

En revanche, cela ne veut pas dire que vous devriez vendre un titre dès que son cours chute. Si le modèle d’affaires est bon, et que le marché sous-évalue la valeur de l’entreprise, alors vous pouvez très bien conclure que l’opportunité est encore meilleure maintenant que le cours a reculé. Évidemment, vous pourriez vous tromper. Mais au moins, votre décision de conserver aura été prise correctement.

Se laisser distraire

Les dernières infos peuvent faire augmenter votre pression sanguine, vous pousser à négocier excessivement, voire même vous faire sauter d’un train en marche. Vous devriez donc fortement les éviter. Comment ? Fermez la télé et lisez seulement les journaux du week-end. Croyez-vous vraiment que vous allez éviter un désastre en suivant les nouvelles d’heure en heure ? Si c’est le cas, je suis désolé pour vous, car les cours peuvent bouger en quelques minutes…

Confondre divertissement et conseils

Ici, on parle, par exemple, des émissions d’information où des experts répondent aux questions du public. Il est triste de voir des médias rappeler aux investisseurs qu’ils doivent faire leur propre recherche… même s’il est clair que plusieurs ne le feront pas. En réalité, la seule façon de juger de la valeur de l’opinion d’un expert, c’est de le questionner sans réserve. Or, lorsque ça se produit, beaucoup refusent de répondre ou esquivent la question.

En fait, l’opinion des experts peut normalement être classée dans trois grandes catégories. Il est important que vous les distinguiez afin de comprendre leurs limites.

1. Le titre, sa valorisation et l’évolution graphique. Vous empocherez seulement un profit si le titre (et non la compagnie) évolue bien. Il est possible d’argumenter que toute compagnie, même la plus mauvaise, sera un bon achat à un CERTAIN prix.

2. Les données fondamentales de la compagnie. Ne présumez pas que les bonnes compagnies devraient être achetées à n’importe quel prix.

3. L’histoire. C’est souvent la chose qui va retenir le plus votre attention. Très, très souvent, il n’y a pas vraiment de substance derrière ces histoires. Il y a tellement de gens qui les racontent qu’elles ont pratiquement leur propre vie. Évidemment, une bonne histoire peut soulever un titre à court terme. Mais vous DEVEZ, DEVEZ, DEVEZ vous assurer que les données financières de l’entreprise la supportent.

Les recommandations des analystes sont un autre exemple. Des tests faits sur ces recommandations après coup ont démontré que les portefeuilles contenant les recommandations de vente ont mieux performé que ceux composés des recommandations d’achat.

Vous pouvez tester vous-mêmes les recommandations en utilisant les données de ROBTV. Choisissez aléatoirement des recommandations passées, mais mettez de côté celles portant sur les fiducies de revenu, à cause de leurs distributions. Comparez les rendements obtenus à ceux du marché. Personnellement, j’ai déjà trouvé que les rendements des quatre experts (Zechner, Grandich, Tomka et Callander) donnaient en moyenne une performance de 18 %, contre 32 % pour l’indice. Aucun expert n’avait battu l’indice.

Cet article est tiré du site retailinvestor.org. Une entente avec ce site nous permet de traduire des articles de l’anglais au français et de les publier sur Go-Bourse.com.

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