L’art de garder les pieds sur terre

Ben Fok, de Grandtag Financial Consultancy, a publié le 6 juin dernier un article intéressant intitulé « Stratégie de portefeuille et votre conseiller » dans The Business Times de Singapour. Dans ce papier, il s’interroge sur le bien-fondé, pour un client ayant le sentiment que la tendance du marché va se renverser, de demander à son conseiller en placement de modifier le portefeuille en conséquence. M. Fok répond par la négative : un conseiller ne devrait pas se fier à l’instinct de ses clients. Il ajoute même que si le client a l’expertise adéquate pour prédire l’évolution future du marché, il n’aurait pas dû confier dans un premier temps la gestion de ses placements à un expert financier. Cette réflexion est empreinte d’une certaine sagesse !

En effet, M. Fok écrit qu’il aurait lui-même tendance à se méfier d’un conseiller qui se montrerait ouvert à l’idée d’acheter et de vendre, car cela démontrerait qu’il est plus intéressé par les commissions que par la performance à long terme du portefeuille.

Les experts financiers, même les meilleurs, sont incapables de prédire les marchés. Ils peuvent, en toute connaissance de cause, supposer des choses, en se fiant à leur expérience, leurs recherches, leurs vues stratégiques. S’ils changent de stratégie en cours de route parce que le client a exprimé ses inquiétudes, cela signale de sérieuses lacunes en tant que gestionnaire. Il vaudrait mieux alors que le client et le conseiller s’assoient ensemble périodiquement pour réviser la stratégie d’investissement en s’appuyant sur les besoins réels du client, que ce soit le revenu, l’appréciation du capital ou la préservation du capital.

Un investisseur qui s’intéresse à la synchronisation du marché ne devrait pas embaucher un gestionnaire de portefeuille, car c’est une proposition perdante, peu importe sur quel angle on la regarde. Le gestionnaire sera continuellement critiqué parce qu’il n’aura pas réussi à prédire les mouvements du marché la majeure partie du temps. Et le client sera de plus en plus frustré par les rendements décevants.

M. Fok cite une étude récente de Dalbar qui révèle que, sur une période de 20 ans qui s’est terminée en décembre 2007, le S&P 500 a gagné 11,8 % par an, tandis qu’un investisseur moyen aurait obtenu de la Bourse un rendement annualisé de seulement 4,48 %. Ce rendement médiocre s’explique par le fait que trop d’investisseurs pensent qu’ils peuvent prédire le futur. Il est vrai que la plupart d’entre nous savons très bien que le futur ne peut pas être prédit avec certitude. Malgré cela, dès que nous regardons le cours des actions, nous développons la ferme conviction que nous connaissons ce que le futur nous réserve.

Le choix d’un expert financier ne consiste donc pas à savoir lequel prétend détenir la meilleure boule de cristal. C’est une question de confiance, d’avoir des conseils avisés, un portefeuille diversifié de manière responsable, une bonne compréhension du risque et des objectifs de placement, et, très important, de pouvoir accéder facilement au gestionnaire de portefeuille afin que la stratégie soit expliquée au client et qu’il l’assimile bien.

Méfiez-vous des experts financiers qui cherchent avant tout à vous plaire en se pliant à tous vos caprices et instructions. Ayez confiance aux conseillers dont les convictions s’appuient sur des fondements solides. Ne critiquez pas votre gestionnaire de portefeuille s’il sous-performe pendant un certain temps. S’il recule pendant que les autres se précipitent vers la falaise, il peut sembler lent et indécis, mais, ultimement, la falaise lui appartiendra. Et si vous avez congédié votre conseiller parce que quelqu’un d’autre vous a convaincu qu’il peut prédire le futur, alors je vous souhaite beaucoup de chance !

Cet article est fourni par les Consultants en Gestion de Patrimoine Blue Bridge