|
vendredi 2 décembre 2011, par François Morency
En voyageant à travers l’histoire, la transmission de son patrimoine a toujours posé de graves problèmes. Qui aimons-nous vraiment, au point de lui léguer tout ce que nous possédons ? Comment être équitable entre ses enfants ? Qui fait partie de notre famille ? Comment assurer la relève de l’entreprise familiale ? À qui confier le règlement de notre succession ? La plupart du temps, l’État prévoit un grand nombre de situations pour encadrer ces transferts de fortune. Mais faut-il le rappeler, le testament est un acte unilatéral – révocable jusqu’au décès. Il est toujours temps de changer d’idée ou d’en améliorer le contenu.
Au Québec, nous avons l’entière liberté de tester, mais tout en respectant la loi sur le patrimoine familial, les charges fiscales et les bonnes mœurs. Reste que ce n’est pas plus facile qu’autrefois. Revisitons rapidement ce que l’histoire nous a enseigné…
Aux temps bibliques, la coutume prônait que l’aîné reçoive la meilleure part (50 %), que la femme ne reçoive rien et que le reste soit partagé entre les autres frères.
Pendant la république grecque, seul un citoyen avait le droit de faire un testament et de léguer ses biens, et il devait avantager uniquement sa famille. Pour tous les autres — les étrangers, les esclaves et les citoyens sans enfant —, l’État saisissait tous les biens lors du décès de ces personnes. L’impôt faisait déjà son œuvre humanitaire.
Pour ce qui est de la Rome impériale, un citoyen devait déclarer sur la place publique, à voix haute, ses dernières volontés devant sept témoins. Par la suite, il ne pouvait plus rien y changer.
En 1837, en Angleterre, la loi établit clairement : « tous les biens réels et personnels — et quelle que soit leur ancienneté — peuvent être éliminés par testament. »
Depuis 1989, la loi sur le patrimoine familial du Québec partage à égalité — entre les conjoints — la valeur des résidences, des véhicules, des meubles et les divers régimes de retraite. Pour tout le reste, nous pouvons le léguer à qui bon nous semble. Traditionnellement, pour ceux qui rédigeaient un contrat de mariage, le notaire ajoutait une clause testamentaire léguant l’ensemble des biens au dernier vivant. Par la suite, les couples pouvaient rédiger un testament visant à se léguer mutuellement leurs biens, puis les partager en parts égales entre leurs enfants, après le dernier décès. Ces Anciens Testaments comportent un grand nombre de lacunes dans le contexte de notre fiscalité complexe du 21e siècle.
Signer un Ancien Testament disant « je donne tout à ma femme, puis je donne tout à mes enfants », c’est simple pour une vie simple de personnes mariées, vivant sur une ferme au 18e siècle. Mais est-ce encore vrai aujourd’hui ? La moitié des gens sont divorcés ou non mariés. Et la majorité habite en milieu urbain.
Il est vrai que les Anciens Testaments valent beaucoup mieux qu’un antitestament. Cependant, par leur silence sur de nombreux sujets, ces Anciens Testaments omettent de régler les problèmes d’aujourd’hui. C’est pourquoi la moitié des gens n’ont pas encore de testament.
• Les familles reconstituées partagent leur patrimoine selon les enfants des différentes relations. Le partage égal n’est donc pas toujours égal, et certaines parts doivent être protégées ;
• Tout léguer au conjoint survivant se traduit par un important héritage en faveur du fisc, car ce testament ne tient pas compte des stratégies fiscales comme le fractionnement du revenu, les transferts libres d’impôt…
• À 18 ans, un enfant ne possède pas la maturité nécessaire pour recevoir un héritage important, sans la supervision d’une personne de confiance. Imaginons ce que nous aurions fait à cet âge en héritant de 100 000 $. C’est ce que fait un Ancien Testament !
• Pour le propriétaire d’une entreprise ou d’une ferme, le testament ne doit pas entrer en conflit avec sa convention entre actionnaires. Ces conflits peuvent compromettre l’exonération du gain en capital et soulever bien des chicanes ;
• Un Ancien Testament ne donne pas aux exécuteurs tous les pouvoirs nécessaires pour planifier la succession, minimiser les impôts au décès et sélectionner les actifs devant être attribués à tel ou tel héritier.
• Ces testaments n’utilisent pas les fiducies testamentaires lesquelles minimisent les impôts d’un héritier durant au moins 21 ans, après le décès du testateur. Le problème des Anciens Testaments c’est qu’ils ne traitent pas de ce que nous avons besoin aujourd’hui pour payer moins d’impôt, pour accommoder les gens d’affaires et pour tenir compte de nos nombreuses vies de couple… Ils sont tellement courts ces vieux testaments que le testateur ne dispose que du temps nécessaire pour recommander son âme à Dieu.
Mais comme disait Benjamin Franklin, « rien en ce monde n’est certain, à part la mort et les impôts. »